Récapitulons :
Juillet 2008
- Début de l'été.
- J'ai mon bac !
- Ma chienne vient d'avoir une portée.
Mais :
- Mon frère a disparu.
- Ma mère commence à devenir folle. [...]
Dans la chambre de mes parents, le kitsch oriental
est démultiplié, grâce à l'abondance de bibelots et à la
prégnance des parfums de ma mère qui, ici, imprègnent à peu près
tout objet existant. Pour peu que les rideaux de velours soient
tirés, j'ai la sensation de friser le paranormal. Je respire
peut-être même plus difficilement, mais ce doit être mon
imagination.
- C'est toi mon chéri ?
- Salut maman.
Couchée sous les couvertures et le dessus de lit
ouvragé, ma mère a l'air d'avoir soixante-dix ans au lieu de
quarante-cinq. Même son visage a l'air de s'être ridé. Quant à
ses yeux, je ne les vois pas, il fait trop sombre.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Il est onze heures du matin. Maryam n'est même pas allée au
basket.
- Donne-moi la photo, là...
Elle ne m'écoute même pas. Elle semble partie
loin. Je ne sais pas ce qu'elle éprouve : tristesse ?
Désespoir ? Rêverie ? Son visage et sa voix ont l'air
indifférents.
Je lui tends un énième cadre doré où cinq
jeunes hommes se tiennent sur un sentier à flanc de colline,
souriant au photographe. Ils sont beaux, tous bruns, en jeans, le
pull posé sur les épaules comme d'authentiques Versaillais des
beaux quartiers de Bagdad, avec des bâtons de marche et des sacs à
dos. Je sais que mon frère est dessus, tout à gauche, le plus jeune
du groupe à seize ans à peine.
- Je m'inquiète pour Amir, tu
sais, commence-t-elle simplement, d'une voix digne.
Puis sa phrase s'étrangle dans ce qui est
peut-être une toux, peut-être un sanglot.
- C'étaient les meilleurs amis
de la ville. Ils seraient devenus ingénieurs, fonctionnaires dans
un ministère à Bagdad, peut-être même ministres.
- Ce sont des copains d'Amir,
sur la photo ?
- Oui, eh oui... De très bons
copains. Leurs pères étaient des cadres du parti. Ton papa était
lui aussi ami avec eux. Ils se voyaient tous les week-ends. Mais un
jour, Amir est passé au café pour chercher ses amis, et là... Il
y avait la police et des camionnettes. En le voyant, le cafetier est
sorti comme un diable et a foncé vers lui en le bousculant, comme
si c'était un vaurien, et lui a chuchoté discrètement « rentre
chez toi, rentre chez toi ».
- Ils ont été arrêtés ?
- Ils ont été emmenés. Et
après, ils ont disparu. [...]
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