lundi 24 octobre 2016

"Le photographe" #4 : Shooting

- Stop !

Tels de vrais acteurs de théâtre en pleine répétition, les membres de l'équipe de tournage – comédiens honteux, techniciens las et arrogants – s'étaient figés dans leur élan, puis détendus, avant d'arpenter la scène couverte de moquette pailletée, devant l'immense écran bleu arborant le logo à la flèche argentée.

La brune longiligne au faux air d'artiste que tout le monde appelait Adeline avait d'abord gratifié l'assemblée d'un sourire circulaire, sourire qui s'était ensuite crispé, avant qu'elle envoie, tranchante comme une serpe :

- Comment vous le dire clairement ?... C'est nul ! On reprend, on oublie. On reprend tout !

Maxime, le géant blond aux regard embrumé qui se chargeait de la deuxième caméra, me fit une grimace : quelle bande de clowns. Je lui rendis son sourire, secouai la tête et continuai à arpenter la scène de la salle de conférences, en mitraillant ici et là. Après tout, j'étais juste photographe, la qualité de la mise en scène ne changeait rien à mon boulot. La plupart des membres de l'équipe transpirait pour tourner avec succès un film promotionnel à usage interne.

On attendait de moi que je saisisse sur le vif le « naturel » des employés modèles du groupe qui nous embauchait. En réalité, ces jeunes gens et jeunes femmes à la beauté juste-ce-qu'il-faut-imparfaite étaient des intérimaires, qui n'avaient jamais travaillé de leur vie dans l’ingénierie automobile. Mais personne ne s'en plaindrait ; avec un peu de chance, le moral de l'entreprise en sortirait renforcé.

C'étaient des remplaçants, des ersatz plus réalistes que nature, qui assuraient ainsi leur ordinaire en attendant des jours meilleurs. Comme moi, en somme. [...]


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