Tels de vrais acteurs de théâtre en pleine
répétition, les membres de l'équipe de tournage – comédiens
honteux, techniciens las et arrogants – s'étaient figés dans leur
élan, puis détendus, avant d'arpenter la scène couverte de
moquette pailletée, devant l'immense écran bleu arborant le logo à
la flèche argentée.
La brune longiligne au faux air d'artiste que tout
le monde appelait Adeline avait d'abord gratifié l'assemblée d'un
sourire circulaire, sourire qui s'était ensuite crispé, avant
qu'elle envoie, tranchante comme une serpe :
- Comment vous le dire
clairement ?... C'est nul ! On reprend, on oublie. On
reprend tout !
Maxime, le géant blond aux regard embrumé qui se
chargeait de la deuxième caméra, me fit une grimace : quelle
bande de clowns. Je lui rendis son sourire, secouai la tête et
continuai à arpenter la scène de la salle de conférences, en
mitraillant ici et là. Après tout, j'étais juste photographe, la
qualité de la mise en scène ne changeait rien à mon boulot. La
plupart des membres de l'équipe transpirait pour tourner avec succès
un film promotionnel à usage interne.
On attendait de moi que je saisisse sur le vif le
« naturel » des employés modèles du groupe qui nous
embauchait. En réalité, ces jeunes gens et jeunes femmes à la
beauté juste-ce-qu'il-faut-imparfaite étaient des intérimaires,
qui n'avaient jamais travaillé de leur vie dans l’ingénierie
automobile. Mais personne ne s'en plaindrait ; avec un peu de
chance, le moral de l'entreprise en sortirait renforcé.
C'étaient des remplaçants, des ersatz plus
réalistes que nature, qui assuraient ainsi leur ordinaire en
attendant des jours meilleurs. Comme moi, en somme. [...]
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