Je passai en revue le contenu des sacs, avec la
maniaquerie de chirurgien qui me caractérisait lors d'un départ en
voyage. Tout était bon. Mais il était deux heures du matin. Inutile
de songer à dormir, ou en tout cas, d'un sommeil naturel. Je sortis
le rhum, lançai un polar sinistre déjà vu quatre fois, avec Denzel
Washington en enquêteur tourmenté, et les pieds appuyés sur le sac
de voyage entrouvert, me laissai absorber dans la boue délicieuse
d'un sommeil aviné.
* * *
Une hôtesse me réveilla en me heurtant le genou
avec le chariot des boissons. Elle avançait à vive allure, sans se
laisser distraire ni émouvoir. L'Airbus vira sur une aile : la
Méditerranée d'un bleu profond, lisse et uniforme comme une piscine
en plastique. Les montagnes et collines de ce littoral découpé et
haché, semblables d'ici à des mottes de sable mouillé. Le semis
des étendues urbaines, scories ou cendres jetées sur le sol puis
vaguement alignées au râteau en des contours ordonnés.
L'hôtel était propre et sans saveur. Je passai
l'après-midi au téléphone et devant l'ordinateur. Le lendemain,
croisant en les bousculant presque une famille de quatre qui
s'imaginait débuter ici le voyage de ses rêves, je fonçai vers un
taxi, qui m'emmena à la gare routière. Sept heures de trajet
climatisé dans des collines poussiéreuses. Nouveau taxi, auprès de
qui il fallut argumenter en ajoutant un gros supplément. Avec
celui-ci, un jeune taciturne qui se rongeait les ongles et me
surveillait du coin de l’œil, je fis encore une grosse heure de
route, tantôt correcte, tantôt craquelée comme aux portes du
désert.
La Mazda gravit un raidillon, prit un virage sec
en descente, et là je le vis...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire