jeudi 14 août 2014

"Au-delà des nuages", extraits #1

"Cette histoire est la mienne. Je vais vous raconter comment j'ai failli mourir."

 

Je souhaite présenter ici quelques extraits de mon premier roman, Au-delà des nuages, paru à l'été 2013 (publié chez ILV Edition / Réverbère). Roman de voyage et d'aventure, imprégné de fantastique et chamanisme, il amène Gabriel Janssen, jeune traducteur parti dans un village amérindien de la savane vénézuélienne jusqu'aux limites de son être...




En voici le prologue (dans son intégralité) :-)

"La lueur verte caresse les doigts de ma main gauche posés sur la plaque transparente du scanner. Le garde frontière pianote quelques minutes puis me tend le passeport d'un air distrait. J'avance et marche vers de grandes baies vitrées inondées de soleil, pour me dégourdir les jambes autant que possible avant un vol de onze heures.

Une fillette passe rapidement devant moi en chantonnant, comptant les sièges en donnant une tape sur chacun. Sa mère la suit, le téléphone à l'oreille et le regard dans le vague.

Dans les mémoires de plusieurs ordinateurs des services de police, mes empreintes digitales viennent d'être stockées. Semblables à des quantités d'autres, aussi discrètes et insignifiantes qu'une fourmi cheminant parmi ses milliers de congénères.
 
La machine informatique et administrative de cet aéroport sud-américain m'a donc catalogué comme un être humain à part entière. Avec pour signes distinctifs, un prénom et un nom imprimés à côté d'une photo : Gabriel Janssen. Une date : le 13 mars 1981. Une taille : un mètre soixante-dix-huit. Des yeux marron. Une adresse en France. Une suite de chiffres et de lettres. Et ce subtil entrelacs de courbes gravé par la nature dans le bout de mes doigts.
 
Mais peut-on réduire à cela mon identité ?
 
Qu'est-ce qui, là-dedans, a aidé ce policier de l'aéroport de Caracas à établir mon profil ? A savoir quelle sorte de vie je mène. Si je respecte les lois ou me sens au-dessus d'elles. Si les notions de bien et de mal me sont évidentes ou si je me comporte d'une manière totalement amorale.
 
Ce système nous catalogue dans le but de mieux nous cerner. En réalité, il nous rend tous égaux et anonymes. Quel ennui...
 
Les données inscrites sur ce passeport ne permettent en rien de connaître les goûts, les désirs, les rêves et les amours qui ont alimenté la vie passée de Gabriel Janssen. Quelles images, quelles odeurs, quels paysages, quelles musiques et quelles voix m'ont ému et façonné.
 
Bien plus important, évidemment : rien sur ce document ne permet à la machine de surveillance de déterminer si elle doit braquer sur moi son projecteur.
 
Après tout, la mission de cet homme en uniforme est de protéger la société. De quoi doit-il se préoccuper en priorité : de savoir si le dernier numéro de mon passeport est un sept ou un huit ? Ou plutôt si je suis capable d'entrer dans les toilettes de l'aéroport et d'étrangler un inconnu avec ma ceinture, avant d'aller prendre l'avion, le visage imperturbable ? Comme dans ce fait divers évoqué hier matin par le Courrier de Caracas.
 
L'idée me fait rire, alors que je fais la queue avec la carte d'embarquement dans une main, la mallette dans l'autre, la veste posée sur le bras. Tout ce système est absurde.
 
Mais peu importe. Aujourd'hui je quitte le Venezuela. J'aborde l'étape suivante de mon voyage et je m'en réjouis. Ce sera l'étape décisive, libératrice.
 
Cette histoire est la mienne. Je vais vous raconter comment j'ai failli mourir."

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